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Musc, ambre gris, civette, castoréum… Les odeurs issues du monde animal étaient déjà connues des Egyptiens qui, dès l’Antiquité, les ont glissées dans leurs parfums. Il en était ainsi du castoréum, une sécrétion huileuse issue du castor, et de la civette, nom donné à la fois à un petit chat d’Ethiopie et aux sécrétions odorantes produites par celui-ci. Le musc provient d’un chevrotin de Sibérie et l’ambre gris n’est autre qu’une déjection du cachalot.
Ces produits aux arômes puissants avaient la capacité de fixer le parfum sur la peau et d’apporter beaucoup de sensualité. S’ils ne sont pas interdits (hormis le musc), ces extraits naturels ne sont plus utilisés pour des questions de protection animale et en raison d’un goût du public qui s’est orienté vers des senteurs plus « propres ».
Jugeant la parfumerie un peu trop sage et désincarnée, certaines marques ont remis de l’animalité dans leurs jus en allant la puiser dans le règne végétal. Dans les fleurs blanches d’abord – l’indole, composant du jasmin et de la fleur d’oranger, développe une odeur charnelle –, le cuir, les épices brûlantes et le fameux bois de oud. Cette résine produite par certains arbres du genre Aquilaria en Asie du Sud-Est donne une essence boisée aux relents de cuir et de crottin. « C’est grâce à la parfumerie moyen-orientale, qui pimente depuis longtemps ses jus de cette essence, que les Européens ont redécouvert les odeurs charnelles », explique Arnaud Guggenbuhl, directeur marketing et image de Givaudan.
En quelques mois, Christine Nagel, la directrice de la création et du patrimoine olfactif d’Hermès Parfums, a présenté Oud Alezan, qui s’inspire des effluves d’un cheval de concours, et Paddock, qui convoque l’atmosphère chaude et troublante de l’écurie. « Dans tous mes parfums il y a certaines inflexions animales. Elles me permettent de contraster un accord et de patiner un parfum comme on patinerait un meuble », explique-t-elle. Même volonté de faire surgir l’animalité là où on ne l’attend pas chez Matière Première, marque indépendante à succès. Dans l’extrait de Falcon Leather, Aurélien Guichard reproduit l’odeur du castoréum grâce à un subterfuge : l’essence de bouleau aux inflexions brûlées.
Le parfumeur Dominique Ropion s’est même mis en tête de rappeler aux jeunes générations l’odeur de ces matières sauvages en reconstituant patiemment chacune de leurs facettes. Ces leurres plus vrais que nature ont été imaginés par un nez qui refuse que ne « s’éteigne le souvenir de cette animalité » qu’il distille depuis quarante ans dans ses compositions. Zoologist, marque canadienne fondée en 2013 par Victor Wong, a préféré l’humour en imaginant une collection de parfums comme un bestiaire. Musk Deer ravive ainsi par l’illusion le souvenir chaud et poudré du musc naturel.
Le débat sur l’utilisation des ingrédients d’origine animale n’est pas tout à fait clos. Lorsque Jacques Cavallier-Belletrud, parfumeur-créateur de Louis Vuitton, utilise 10 % d’ambre gris dans Pur ambre, il revendique une forme de liberté de création en faisant au passage œuvre de pédagogie : l’ambre est rejeté par l’animal qui ne souffre d’aucune maltraitance.
Lionel Paillès
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